Si vous suivez Evernote depuis un certain temps, vous avez sans doute rencontré le nom de Joshua Zerkel plus d’une fois. En tant que directeur de la communauté internationale et de la formation, Josh voyage dans le monde entier pour rencontrer les clients et mener à bien les programmes de la communauté Evernote. Il est également Organisateur professionnel certifié et ne manque pas d’idées pour nous aider à mieux contrôler notre travail et nos vies.
Dans cet entretien, Josh nous en dit plus sur la source cachée de la frustration organisationnelle, les moyens d’en finir avec le désordre et la façon dont il structure son temps et ses notes pour rester concentré.
« Le vrai problème, c’est qu’on ne nous apprend pas à nous organiser ou à gérer notre temps ou nos fichiers numériques », commence Josh. « Je pense que c’est pour cela qu’on assiste à une prolifération de blogs, d’articles et de personnes comme moi, des consultants, qui ont pour mission d’aider les gens à comprendre comme fonctionnent ces choses que nous sommes censés maîtriser alors que nous n’y avons pas été formés. »
Ce ne sont pas les options et les solutions qui manquent. Parfois, certaines sont en contradiction. Par où commencer ?
Pour commencer, la meilleure chose à faire est de s’attaquer à ce qui vous exaspère le plus, car c’est dans ce domaine que vous remarquerez les progrès les plus importants. Par exemple, si la vision des piles de papiers qui s’entassent sur votre bureau vous insupporte et qu’elle vous empêche de faire votre travail parce que vous ne trouvez pas ce que vous cherchez, vous pouvez commencer par ça. Ou si, par exemple, vous ne trouvez pas les fichiers dans votre ordinateur car tout est en désordre et que vous n’avez pas d’outil de recherche efficace, enregistrer vos documents dans Evernote peut vous aider à vous organiser. Vous vous sentirez mieux et peut-être même plus productif. Commencer par régler ce qui vous exaspère est une très bonne idée.
Autrement dit, on peut s’y mettre immédiatement ? Pas besoin de faire l’inventaire de toutes les choses à régler.
C’est cela. J’ai vu des gens déployer de nombreux efforts et passer beaucoup de temps à planifier la façon dont ils allaient s’organiser, mais il reste à voir si cela fonctionne dans la pratique. Ils passent tellement de temps à planifier leur organisation qu’ils ne le font jamais. J’ai été témoin de cette situation à maintes reprises : « Je fais plus de listes, car les listes m’aideront à m’organiser ». Vous pouvez passer vos journées et vos nuits à faire des listes, mais vous n’accomplirez rien si vous ne faites pas les tâches qu’elles contiennent. Il se passe alors quelque chose d’étrange : nous pensons que nous faisons des progrès, alors que ce n’est pas le cas. Nous nous organisons pour nous organiser.
Il existe différents niveaux d’organisation. L’organisation de mon espace de travail, lorsque je veille à ce que mon bureau soit propre. L’organisation temporelle, lorsque je vide mon agenda et que je réfléchis à la gestion du temps. Ou encore le nettoyage de mes fichiers numériques ou l’organisation de mes tâches. Y a-t-il des principes qui s’appliquent à tous ces niveaux ?
De façon générale, il existe des principes communs, quel que soit l’aspect que vous essayez d’organiser. Le premier consiste à rassembler les éléments similaires. Peut-être avez-vous le même type de réunion, mais à différents moments de la semaine. Vous pourriez les regrouper pour éviter de vous disperser. Il s’agit d’identifier les thèmes communs par rapport à vos tâches et de les rapprocher. C’est un principe général d’organisation. Regroupez les éléments similaires, quels qu’ils soient.
Le second, qui peut être difficile pour nombre d’entre nous, consiste à se débarrasser de ce dont nous n’avons pas besoin. C’est souvent là que l’on se retrouve bloqué dans le processus d’organisation. C’est le syndrome du « je m’en servirai peut-être un jour ». Si ce jour n’est toujours pas arrivé et que vous ne voyez pas quand vous pourriez avoir besoin de ce document, de cet objet ou de ce type de réunion que vous repoussez sans cesse, vous devriez peut-être envisager de vous en défaire. Inutile de devenir minimaliste, il suffit de commencer par les choses dont on peut se débarrasser facilement.
On peut ranger son contenu dans de nombreux endroits différents. Les informations fusent de toutes parts, comment les gérez-vous ?
Je conseille généralement aux autres d’adopter mon système de gestion, dans la mesure du possible. Si nous ne pouvons pas contrôler l’origine des informations et la fréquence à laquelle nous les recevons, nous pouvons contrôler le mode et la fréquence des notifications, et les moments où nous y répondons. En ce qui me concerne, je ne reçois presque pas de notifications. Pour être honnête, je n’ai pas un travail qui nécessite une réponse immédiate. Cela serait sans doute différent si je travaillais dans les RP, mais dans mon cas, lorsque quelqu’un me contacte, je peux répondre une ou deux heures après réception du message, ça ne sera pas la fin du monde. Je préfère répondre plusieurs fois par jour plutôt que d’envoyer des réponses instantanément, car je suis généralement occupé à faire autre chose. Il est déjà assez difficile pour moi de me concentrer profondément sur mon travail. Je n’ai pas besoin de recevoir des notifications ou d’être importuné par quelque chose qui n’a pas de rapport avec le travail auquel je me consacre à ce moment précis.
Je vois que vous n’avez pas apporté votre téléphone pour cet entretien. Avez-vous pour habitude de le laisser de côté ?
En effet. Je ne veux pas être esclave de la technologie. Je veux en faire un outil que j’utilise quand je l’ai décidé. Généralement, si je fais quelque chose d’important, comme participer à une réunion, je ne passe pas mon temps à taper du texte sur mon ordinateur. J’essaye de me concentrer sur le cas présent. Avoir un téléphone sur moi me rappelle que je peux ouvrir une autre porte. Je tente de réduire le nombre d’informations pour rester concentré. Je veux vraiment être présent à ce que je fais.
Dans ma vie en dehors d’Evernote, j’essaye d’être plus attentif à tout un tas de choses. Pour moi, il est très important d’être présent. Pour y parvenir, je n’ai qu’un nombre limité d’appareils technologiques sur moi. L’ironie de la situation, c’est que j’adore les gadgets, les applications et les outils, mais j’essaye de bien réfléchir à la façon dont je les utilise.
Parlons un peu de votre système personnel. Comment structurez-vous votre journée ?
Le matin est le moment où mon énergie créative est à son maximum, mais je n’irais pas jusqu’à dire que je suis du matin. J’essaye de structurer ma journée de façon à tirer le meilleur parti de mon pic de performances. J’essaye de travailler sur mes projets essentiels, ceux qui nécessitent une réelle concentration, dans la matinée, et sur les tâches moins importantes pendant la dernière partie de la journée.
Très souvent, je place toutes les tâches importantes en début de semaine et de journée. En procédant ainsi, je n’ai pas l’impression que la semaine m’échappe et que je n’aurai pas le temps de faire ces tâches que j’estime prioritaires pour une raison ou pour une autre. Plus vous repoussez les tâches dans la semaine, plus elles risquent de prendre du retard.
Si vous êtes freelance ou à votre compte, vous avez un meilleur contrôle (du moins en théorie), mais si vous travaillez en entreprise, une bonne partie de votre temps ne vous appartient pas. D’autres personnes ajoutent des choses à votre agenda. Vous avez des obligations au bureau tous les jours, semaines, mois… Avez-vous une stratégie pour les personnes dont l’agenda est déjà plein ?
En règle générale, je conseille aux personnes dont l’agenda est déjà complètement plein de réduire leurs tâches et de revoir leur priorité. Si vos journées sont tellement remplies que vous ne trouvez pas le temps de manger, d’aller aux toilettes ou d’être une personne normale et de prendre cinq minutes de pause, vous devez réfléchir à la façon dont vous utilisez votre temps. À quoi le consacrez-vous ? Quelles autorisations donnez-vous aux autres pour qu’ils vous dictent votre gestion du temps ?
Il peut être intéressant de prendre du recul, de voir votre travail comme une entité et de vous demander l’importance que vous accordez à son contrôle ? Le plus simple, dans la vie privée comme professionnelle, est de fonctionner par défaut : « Les choses sont planifiées de telle façon et je fais avec ». Si vous voulez avoir un vrai sentiment de contrôle, vous devez choisir la façon dont vous passez votre temps. Nous faisons tous des choix, que nous en soyons conscients ou non. Parfois, nous décidons de suivre le mouvement, d’autres fois nous décidons de prendre le contrôle. Dans tous les cas, j’encourage les gens à faire ce choix.
Nous avons vu tout à l’heure qu’il était très facile de tomber dans le piège de la préparation à l’organisation. On finit par se perdre dans les détails de la création du système. La même chose peut-elle se produire avec le maintien d’un système ? Est-il possible de structurer ce que l’on essaye de faire au point de le rendre non viable ?
Je pense que oui. D’après mon expérience, mieux vaut avoir juste assez de structure plutôt que trop de structure pour réussir. Vouloir trop structurer ou passer beaucoup de temps à réfléchir à votre structure entraîne généralement ce que j’appelle un burn out organisationnel : vous passez un temps fou à réfléchir à votre structure au lieu de faire des choses concrètes. Certaines personnes, que je qualifierais d’accros à la productivité, se passionnent pour les différents systèmes qui apparaissent de temps à autre, et il y en a toujours de nouveaux, et aiment changer de système ou perfectionner leur système en place. Si c’est votre cas et que cela fonctionne, tant mieux, mais ça ne marche pas pour moi.
D’APRÈS MON EXPÉRIENCE, MIEUX VAUT AVOIR JUSTE ASSEZ DE STRUCTURE PLUTÔT QUE TROP DE STRUCTURE POUR RÉUSSIR.
Je suis plutôt pour une organisation « paresseuse », pour le minimum d’organisation nécessaire, tant que cela vous permet de faire les choses qui sont importantes pour vous. Si vous passez beaucoup de temps à réfléchir à vos systèmes d’organisation, je vous conseille de les simplifier, car ce n’est pas censé être aussi compliqué. On croit à tort que l’organisation est très complexe, alors qu’elle n’a pas à l’être.
Comment organisez-vous Evernote ?
Tout dépend dans quelle optique je considère la situation. Chez Evernote, nous utilisons Evernote Business en équipe. Pour nous, il y a des carnets de notes pour chaque projet important sur lequel nous travaillons. Dans chaque carnet, j’essaye d’organiser par titre les carnets que je consulte en permanence. Les titres me permettent de garder les choses en ordre. J’insère la date, puis le sujet. Ainsi, je peux facilement parcourir la liste de notes.
J’aime avoir autant d’informations que possible sur l’écran. Souvent, j’ai l’affichage des titres sous les yeux. Cela me permet d’avoir tous les détails sur les titres et de les trier facilement.
Pour ma vie personnelle et mes loisirs, mais aussi pour mon activité de consultant, j’ai des carnets de notes pour les sujets professionnels, comme les clients, les finances et les aspects juridiques. Je les organise par nom pour les regrouper dans Evernote. Tous les éléments qui concernent ma vie personnelle, comme mes loisirs ou les choses à faire à la maison, ont leurs propres carnets de notes. Il est donc très facile pour moi de trouver des éléments et de les partager quand j’en ai besoin.
Quel est votre secret d’utilisation pour Evernote ?
Je suis un peu vieux jeu parce que je pense encore à mon bureau. Dessus, j’avais toujours des dossiers sur les choses sur lesquelles je travaillais. J’ai retranscrit ce système dans le monde électronique en créant des raccourcis dans Evernote. Si vous regardez mes raccourcis, vous verrez qu’il y a un raccourci pour chaque gros projet sur lequel je travaille, projet qui serait matérialisé par un dossier s’il était sur mon bureau. Mes raccourcis sont un peu comme mon bureau. Je les modifie constamment, en fonction de mes projets. Selon moi, les raccourcis sont insuffisamment exploités dans Evernote et peuvent vraiment aider les gens à la recherche d’une structure à mieux s’organiser.